KOB

La saison des fruits 2024 et les recherches actuelles sur le stockage des fruits

Les experts d’Agroscope à Wädenswil et du Centre de Compétence pour la culture fruitière du lac de Constance (KOB) à Ravensburg travaillent depuis plusieurs années sur des projets de recherche communs et échangent régulièrement sur les nouvelles recherches et développements.

 

ANDREAS BÜHLMANN, AGROSCOPE WÄDENSWIL
FELIX BÜCHELE, DANIEL NEUWALD, KOMPETENZZENTRUM OBSTBAU BODENSEE (KOB), REGENSBURG (D)

 

Le KOB publie depuis des années des évaluations et recommandations sur la saison de récolte à venir et les aptitudes de stockage des variétés de pommes et poires locales. Afin d’obtenir un aperçu fiable et complet de la saison actuelle, les conditions météorologiques, la croissance des pousses, la charge en fruits, les analyses du développement du fruit ainsi que l’apport en nutriments sont pris en compte. De plus le département de la récolte, du stockage et de la qua- lité du fruit communiquent les innovations techniques en ce qui concerne la gestion du stockage des fruits.

 

Qualité du fruit pour la saison 2024

L’année 2024 était sous bien des aspects une année extrême pour les arboriculteurs et représente un exemple de défis apportés par le changement climatique. Un regard sur les données climatiques à Ravensburg montre que l’hi- ver y était pratiquement inexistant cette année. Les températures élevées au début de l’année ont conduit à une floraison trop précoce pour la plupart des variétés (Elstar, Gala, Jonagold, Topaze, etc.) – en moyenne jusqu’à deux voire trois semaines plus tôt par rapport à la moyenne des 20 dernières années. Cette tendance s’est observée sur l’ensemble de l’Europe. De nombreuses régions en Allemagne ont fortement souffert du gel tardif en avril en rai- son de cette floraison précoce. La forte alternance et les conditions climatiques défavorables à la pollinisation ont conduit à une grande diminution des quantités récoltées. Toutefois la floraison précoce n’a pas forcément signifié une phénologie décalée, puisque de nombreuses variétés ont présenté une phase de division cellulaire (pleine floraison jusqu’au stade T, BBCH 74) plus longue de quatre à six semaines. Pour la plupart des variétés, les producteurs doivent néanmoins compter avec au moins une semaine d’avance pour la fenêtre de récolte.

Outre les températures clémentes de l’hiver, le sujet dominant de la saison était les précipitations continues de mai et juin. Les épisodes froids et humides ont créé des conditions idéales pour les agents pathogènes fongiques. Ceux qui n’ont pas pu mettre en place un programme de protection phytosanitaire adéquat devront s’attendre à des pourritures du cœur lors de la récolte et du stockage. En effet, la fermeture tardive de la zone du calice du fruit a probablement favorisé une infection latente par les spores. Tandis que les prévisions de l’apport en minéraux (plus particulièrement le rapport potassium-calcium) concordent positivement et signifient idéalement moins de cas de taches amères ou lenticellaires, il faut s’attendre à des va- leurs Brix et acidité nettement plus faibles pour la plupart des variétés testées – probablement en raison des périodes de pluies persistantes sans soleil. Cette situation peut s’avérer problématique à plusieurs points de vue: une capacité de photosynthèse réduite implique un faible stockage de l’amidon comme substance de réserve et peut donner l’impression d’une dégradation rapide et avancée de l’amidon ainsi qu’une apparente surmaturité du fruit. Si la date de récolte est trop précoce avec des teneurs en sucre et acides faibles, la qualité gustative du fruit s’en fera ressentir. Il s’agit donc de planifier la récolte avec prudence! Un faible stockage en sucres peut péjorer la fermeté et la stabilité du fruit – même avec un apport en calcium adéquat – puisque les polysaccharides constituent une part essentielle de la paroi cellulaire. Cette année, des périodes de froid et de pluie ont été soudainement suivies de jours très chauds et ensoleillés. Dans de nombreux vergers, il faudra compter avec des coups de soleil sur les fruits à la récolte. En effet, les fruits n’ont pas eu le temps de s’adapter aux températures et à l’intensité du rayonnement élevés. Pour les variétés particulièrement sensibles, la question se pose à long terme de savoir si la culture en conditions climatiques extrêmes reste possible.

 

Qualité des pruneaux des variétés mesurées en fonction de la durée de stockage
 Fig. 1 : Qualité des pruneaux des variétés mesurées en fonction de la durée de stockage. En rouge : variété Fellenberg chambre froide 2023.

 

Disposition expérimentale pour le test consommateurs avec les pruneaux
Fig. 2 : Disposition expérimentale pour le test consommateurs avec les pruneaux.

 

Recherche sur le stockage des fruits à Agroscope – fruits à noyau

Comparé aux connaissances sur la qualité post-récolte des fruits à pépins, le domaine des fruits à noyau est globalement en retard, bien qu’ici aussi, des connaissances détaillées des processus physiques et biochimiques lors du stockage permettent un stockage plus précis. Grâce au projet de variétés fruitières résilientes (RESO) financé par l’OFAG, Agroscope a pu, au cours des dernières années, approfondir ses recherches sur la qualité post-récolte des variétés de cerises et pruneaux. D’une part les variétés de pruneaux et cerises ont été entreposées en conditions de réfrigération et AC standardisées, puis différents paramètres de la qualité des fruits à pépins ont été mesurés (fig. 1). Ces expériences permettent à l’avenir de tester les performances post-récolte des nouvelles variétés et de les comparer aux variétés existantes.
En deuxième partie la popularité d’un ensemble représentatif de qualités des prunes a été mesurée lors d’un test consommateur puis modélisé (fig. 2). De telles études existent en partie déjà, mais jusqu’à présent pas avec la taille d’échantillonnage nécessaire. Cependant si l’on connait précisément les attentes des consommateurs au point de vente, il est plus facile d’estimer quelle combinaison de variétés, date de récolte et variante de stockage se vendra le mieux. Cette hypothèse devrait être testée l’année prochaine avec des gestionnaires d’entrepôt et des distributeurs en gros.
En troisième partie des données de stockage de cerises d’un gestionnaire d’entrepôt suisse ont été analysées plus en détail sur trois ans. Les données montrent, sans surprise, que l’année de récolte a le plus d’influence sur les pertes. Les autres facteurs influençant significativement les pertes sont la date de tri, la date de récolte et la provenance géographique des fruits. Etonnamment des facteurs tels que la variété ne contribuent pas significativement aux pertes mesurées. Des telles connaissances ne peuvent être générées avec un effort raisonnable par les centres de recherche uniquement. Une collaboration étroite avec des partenaires intéressés permettrait une saisie et une analyse plus routinière des données. Avec une telle ampleur de données, des comparaisons sur plusieurs années pourraient être effectuées afin de suivre l’évolution des pertes sur la durée.

 

installation CO2 et propane en comparaison directe (KOB)
Frig. 3 : installation CO2 et propane en comparaison directe (KOB).

Recherches en stockage des fruits au KOB – à quoi ressemblera le système de refroidissement dans le futur ?

La récente hausse considérable des coûts d’électricité a mis les producteurs et entreposeurs allemands sous forte pression économique. De plus, l’incertitude en matière de planification concernant le passage imminent à des réfrigérants naturels alternatifs suscite des inquiétudes. Dans le projet DyNatCool, soutenu par la « Landwirtschaftliche Rentenbank», la recherche et la pratique travaillent en- semble sur les systèmes de refroidissement durables de l’avenir.
Un regard sur les entrepôts actuels de fruits montre que les performances de refroidissement des installations sont souvent surestimées. Cela conduit à des coûts d’investissements inutilement élevés lors de la construction et à une exploitation inefficace avec des mises en marche et interruptions fréquentes, ce qui provoque des conditions climatiques instables dans les entrepôts. Théoriquement la conception de l’installation frigorifique se base sur la charge thermique attendue dans la pièce ainsi que le laps de temps au cours duquel la chaleur doit être évacuée afin d’atteindre les températures optimales à la conservation de la qualité. Lors de la simulation de l’apport de chaleur dans la pièce (par les produits-mêmes, par les éléments de l’entrepôt, lors du chargement, les équipements en fonc- tion, etc.) ce sont encore souvent des valeurs obsolètes qui font référence. De plus il est rarement pris en compte que la charge thermique n’est pas constante. Se baser uniquement sur la charge thermique pendant le stockage revient inévitablement à installer un système surdimensionné pour la période qui suit le refroidissement.
Au cours du projet DyNatCool, des simulations et validations dans des entrepôts AC commerciaux définissent quand et combien de chaleur doit être évacuée de la pièce. La rapidité du refroidissement n’est pas non plus aisée à déterminer. Jusqu’à présent on supposait qu’un refroidissement en 24 heures était optimal afin de garantir la qualité. Cependant des études menées à l’ATB Potsdam dans une soufflerie ont montré que les propriétés de la pomme limitaient le transfert de chaleur et qu’une puissance frigorifique plus élevée n’impliquait pas forcément un refroidissement plus rapide. Des recherches physiologiques sur les fruits au KOB confirment d’ailleurs qu’une réduction de la puissance frigorifique et par conséquent une durée de refroidissement plus longue de 10 à 14 jours ne compromettaient pas forcément la qualité. Des systèmes optimisés et adaptés aux besoins permettent ainsi d’économiser des coûts sans nuire à la qualité du fruit.
Cette série de recherches est complétée par une comparaison de systèmes à grande échelle entre une installation de CO2 directe et une de propane indirecte dans des entrepôts commerciaux, afin d’obtenir des informations fiables sur les réfrigérants potentiels du futur.
Au terme de la durée officielle du projet mi 2025, il est prévu de présenter les résultats des recherches de stockage lors d’un séminaire.

 

Conditions de récolte et de stockage 2024

Comme nous ne tiendrons pas de conférence sur le thème du stockage cette année, nous rappelons volontiers les recommandations de récolte et de stockage en vigueur pour 2024/2025. De plus grâce à Angelo Zanello du centre expérimental de Laimburg, nous pouvons également publier des protocoles pour le stockage ACD de différentes variétés de pommes.

https://link.ira.agroscope.ch/de-CH/publication/50208

https://link.ira.agroscope.ch/de-CH/publication/50212

 

Partagez cet article