Alexandre Mondoux
Professeur associé d’économie à Changins et responsable de l’Observatoire suisse
du marché des vins (OSMV)
D’après l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV), en 2024, la consommation mondiale de vin tranquille a atteint son niveau le plus bas depuis 1961. Le retour d’une inflation importante depuis 2022 pèse à la fois sur les coûts de production, en raison de la hausse du prix des matières sèches pour les producteurs, et du côté de la demande, avec des consommateurs qui perdent du pouvoir d’achat. Cette baisse de consommation s’inscrit dans une tendance de long terme qui touche également les vins tranquilles suisses (‑16 % en 2024 selon l’Office fédéral de l’agriculture OFAG).
Le vin n’étant pas un bien de première nécessité, le consommateur peut être très sensible au prix et en diminuer sa consommation, ou se tourner vers une concurrence moins chère, comme les vins d’importation pour le cas suisse. Sur les marchés internationaux, les baisses des ventes de vins aux États-Unis, premier marché mondial, et en Chine exercent une influence négative sur la demande mondiale qui peut mettre indirectement plus de pression sur le marché helvétique. Dans ce sens, nos producteurs-encaveurs peuvent se sentir pris « entre le marteau et l’enclume ».
Dans ce marché en décroissance, il est possible d’identifier certaines causes profondes au‑delà des prix, notamment les changements d’habitudes de consommation, particulièrement pour les jeunes générations, les préoccupations de santé liées à l’alcool, ou la limite de 0,5 ‰ pour conduire. Cependant, certains segments de marché présentent une croissance intéressante, comme les vins mousseux, les vins désalcoolisés ou partiellement désalcoolisés, les boissons à base de vin comme les cocktails ou encore les vins issus de cépages tolérants (PIWI), qui répondent aussi à des enjeux de durabilité. Pour cela, il est important de continuer à investir dans la promotion et d’être au plus près des demandes des consommateurs.
Du côté de l’offre, le concept de réserve climatique de vins AOC poursuit son chemin au niveau politique à Berne. Cet outil de gestion de l’offre devrait permettre d’atténuer la forte variabilité des vendanges annuelles afin de stabiliser la quantité de vin mise sur le marché. Ce système ne pourra cependant pas résoudre le problème lié à la baisse de la demande.
Pour conclure, le vin est un bien culturel qui va bien au-delà de la simple logique commerciale, avec une valeur patrimoniale inestimable : imaginez‑vous, par exemple, le panorama de Lavaux sans les vignobles ? Chaque période de crise nous oblige à nous remettre en question, mais peut aussi être vue comme une opportunité, à l’instar du prix Nobel d’économie 2025, Philippe Aghion, qui parle de la « destruction créatrice » et de l’innovation comme moteurs de croissance.

